Le Rituel
À La Gloire et Sous La Protection du Très Haut
LE RITUEL
Mes très chers frères, je vous propose de réfléchir ce soir sur le thème du rituel.
Après avoir été initié, reçu son tablier et ses gants, le nouvel impétrant, reçoit un exemplaire du rituel.
Que contient ce fascicule et à quoi sert-il ?
Je vous propose d’articuler notre réflexion de ce soir autour de 2 axes :
- Qu’est ce qu’un rituel ?
- Pourquoi un rituel au B’NAI B’RITH ?
QU’EST-CE QUE LE RITUEL ?
La première chose à faire lorsque l’on veut réfléchir sur une notion c’est d’abord d’en chercher une définition.
WIKIPEDIA définit le rite ou rituel comme étant : « une séquence d’actions stéréotypée, chargées de significations et organisées dans le temps. »
L’énoncé de cette définition, loin de donner une réponse, pose un premier problème, appelle une première réflexion. En effet cette définition est commune à 2 mots qui, à l’origine, sont bien différents : le mot rituel et le mot Rite.
Le rite (mot venant du latin « ritus ») est la manifestation concrète des règles.
Quant au rituel (mot venant du latin « rituales libri ») c’est le livre contenant les règles des rites.
En pratique ces 2 mots sont devenus quasi synonymes et l’on emploi indifféremment les mots rituels et rites lorsque l’on traite le sujet. Le rituel devient aussi bien le contenant que l’expression du déroulement des périodes concernées. S’il est un domaine dans lequel le rituel tient une place importante, c’est bien entendu le domaine religieux : Dans toutes les religions le rituel tient une place primordiale.
Le déroulement des différentes phases des offices est strictement codifié, les offices se déroulent selon un rythme bien établi. Dans le monde juif le rituel ne concerne pas que le déroulement des offices, il concerne aussi les différentes étapes de la vie de l’homme. Ainsi à chaque période de la vie correspond un rituel particulier :
Y à la naissance nous pratiquons le rituel de la circoncision pour les garçons (une cérémonie existe pour les filles)
Y À la puberté il y a la bar-mitsvah pour les garçons et la bat-mitzvah pour les filles. (il est à noter que si la date de la bar-mitsvah est fixée au treizième anniversaire du garçon, la bat-mitzvah se déroule elle à l’âge de 12 ans considérant que les filles sont plus mûres que les garçons)Cette différence montre bien que ce rituel est plus spirituel, que matériel : ce qui importe c’est moins l’âge physique de l’individu que sa maturité.
Y À l’âge adulte il y a la cérémonie du mariage.
Y Enfin à la fin de notre vie il y a les rites des enterrements, rites qui comprennent aussi bien l’enfouissement du corps que la toilette mortuaire qui le précède. (Cérémonial que nous pouvons comparer à la cérémonie de momification et tout le rituel qui l’accompagnait dans l’Egypte antique.)
Le rituel n’est pas, dans la religion juive, quelque chose d’abstrait : il suit l’évolution de l’individu tout le long de son existence. La religion, outre ses préceptes moraux est là aussi pour « accompagner » l’homme dans son évolution le guider à chaque moment de sa vie vers la sagesse.
Ceci n’est pas propre au judaïsme : toutes les religions ont également des rites comparables à ceux du judaïsme et régissent les périodes de l’évolution de l’individu.
Le monde profane (au sens religieux du terme) s’est beaucoup inspiré de ce phénomène créant ces propres rituels.
Pour revenir au B’NAI B’RITH tout comme dans le monde maçonnique, le rituel n’organise pas la totalité du déroulement de ces tenues mais ses 3 phases principales :
- L’ouverture de la tenue : On ouvre
- L’initiation : On œuvre
- La fermeture de la tenue : On ferme
Les autres règles régissant le déroulement de nos tenues ne sont pas écrites et restent à l’initiative des loges. Latitude est laissée aux loges pour organiser le déroulement de ces travaux.
Ce point est très important et je le développerais dans la deuxième partie de mon exposé.
Une question peut se poser : comment nait un rituel ?
Dans le judaïsme, le rituel a plusieurs origines :
D’abord une origine biblique : la brith-mila a été instaurée comme un signe d’alliance entre D.ieu et le peuple juif. Dans la Torah nous pouvons retrouver des indications quant au rituel du service divin : choix des grands prêtres, leur tenue, le rite qu’ils doivent respecter, l’organisation des sacrifices (choix des bêtes, la manière dont elles doivent être immolées, etc…)
Cependant le rituel des prières ne fut instauré que bien plus tard, les offices ayant remplacé au fil du temps la disparition des sacrifices.
Dans le monde juif le rituel trouve son origine aussi bien dans les textes sacrés que dans la tradition.
Je me rappelle les paroles d’un rabbin qui me disait que l’observance des coutumes familiales avait autant d’importance que les règles religieuses. Le rituel trouve de ce fait une de ses sources dans les traditions.
J’ai conscience de n’avoir fait que survoler ce premier point tant le sujet est riche et peut faire l’objet de nombreuses réflexions.
La deuxième question que nous pouvons nous poser c’est : pourquoi avoir instauré un rituel au B’NAI B’RITH
POURQUOI UN RITUEL ?
Nous pourrions, comme cela se fait dans de nombreuses associations nous réunir et travailler sans avoir besoin d’instaurer un rituel. Alors pourquoi un rituel ?
Nous pourrions, commencer nos travaux sans avoir à suivre un rituel et nous dire au revoir une fois l’ordre du jour épuisé. Beaucoup de profanes voient dans l’observance d’un rituel une aliénation, un obstacle à notre monde.
Ils se trompent. Je reviendrais plus loin sur ce point.
Comme vous avez pu le remarquer dans la première partie de mon exposé j’ai beaucoup insisté sur le monde religieux. Lorsque nous rentrons à la synagogue, que nous nous couvrons la tête et revêtons le taleth, nous quittons le monde profane, matériel pour entrer dans un monde religieux, spirituel.
Il en est de même au début de nos tenues : lorsque nous nous retrouvons nous discutons et sommes heureux de nous retrouver, un certain brouhaha règne.
Dès que nous revêtons notre tablier, nos gants et nos kipppoth nous changeons d’état d’esprit, nous commençons notre concentration et les discutions sont déjà moins bruyantes.
A ce moment là nous quittons un monde matériel pour nous concentrer sur le spirituel (essayez lors de notre prochaine tenue de saisir cette minute.)
Comme je vous l’ai indiqué plus haut, le rituel de notre Ordre ne concerne que 3 phases de nos travaux :
- L’ouverture des travaux
- La clôture des travaux
- La cérémonie d’initiation
Ce n’est pas par hasard que le rituel rythme ces 3 phases de nos tenues.
L’ouverture des travaux
Le rappel des 7 principes régissant notre ordre (chiffre oh combien symbolique) que sont : la lumière, la justice, la paix, la bienfaisance, l’amour fraternel, l’harmonie et surtout la vérité n’est pas innocent : en effet nous devons nous imprégner de ces principes tout le long de nos travaux .
Rituellement cette menorah éclairée au centre de notre loge doit nous rappeler aussi bien notre appartenance au peuple juif qu’aux vertus du B’NAI B’RITH dont elle est le symbole.
L’association de la menorah et des 7 principes de notre ordre doit nous faire oublier les passions qui nous habitent (j’entends les mauvaises passions) durant nos travaux.
La fermeture des travaux
Outre l’ouverture des travaux, notre rituel fixe également la fermeture des travaux
Nous pourrions, une fois l’ordre du jour épuisé quitter nos décors, nous dire au revoir, peut être nous embrasser et partir.
Non le rituel prévoit également une cérémonie de clôture des travaux.
Je ne peux dissocier les tenues de notre loge des offices religieux ou la fin des offices est également marquée.
Tous nos offices religieux se terminent par le « ALENOU LECHABEAH » et nous entonnons « l’YGDAL » hymne écrit par MAIMONIDE.
Rappelez-vous il y a quelques jours, à KIPPOUR, nous terminions cette journée de recueillement par l’office de la « NEHILA » mot qui signifie « clôture »
Tout épisode de la vie de l’homme, qu’il soit matériel ou spirituel doit contenir un début et une fin
Ceci pour nous rappeler que seul D.ieu est éternel, que, comme notre vie, nos tenues ont un début et une fin, que la mort est aussi sacrée que la naissance.
C’est pour cela que nous devons marquer aussi bien la clôture que l’ouverture de nos tenues.
Il est à noter que se sont le mentor et le shomer (le gardien) qui clôturent nos travaux.
Ce n’est pas un hasard : tout comme le shomer est le gardien des symboles matériels de notre loge, le mentor est notre gardien spirituel.
L’initiation.
Les profanes, assimilent souvent l’initiation à un bizutage. Ils pêchent soit par mauvaise foi soit par ignorance.
Lorsque le nouvel impétrant pénètre dans notre lieu de tenue, il découvre pour la première fois nos décors et nos symboles.
L’initiation peut être comparée à une nouvelle naissance, c’est pour cela que ce passage doit marquer l’esprit du nouvel impétrant
Lorsqu’un nouveau né prend conscience, il l’exprime par un cri : en vivant le rituel de l’initiation le nouveau frère revit dans un monde nouveau.
A ce moment là le nouveau frère n’est pas seul : il entre entouré de 2 frères relié à eux par une corde.
Cette corde symbolise le lien unissant le nouvel impétrant aux frères de notre loge.
Les frères de l’atelier l’accueillent en formant une haie, avec des bougies à la main.
Cette attitude n’est pas innocente ni dépourvue de tout symbole :
Cette « haie » de bougies est aussi très symbolique : en effet rappelons nous que le premier symbole de notre ordre c’est la lumière.
Quand le nouvel impétrant pénètre en loge nous sommes tous assemblés pour l’éclairer de la flamme de la connaissance qui brille déjà en nous.
C’est avec cette lumière, je dirais cette étincelle divine, qui doit éclairer nos travaux que nous accueillons nos nouveaux frères.
C'est aussi en allumant une veilleuse ou une bougie que, dans la tradition juive, nous accueillons le shabbat.
Ce sont tous les frères qui accueillent le nouvel impétrant tout comme c’est la communauté toute réunie qui doit être présente aux 2 moments les plus importants de la vie d’un jeune juif : la brith-mila et la bar-mitsvah
Une fois circoncis, le nouveau né fait son entrée physique dans la communauté.
La cérémonie de la bar-mitsvah elle, marque l’entrée spirituelle du jeune bar-mitsvah dans la communauté.
Pour ce qui est de la cérémonie d’initiation au B’NAI B’RITH, nous avons laissé de côté l’aspect matériel (il n y a pas d’épreuves physiques) pour nous concentrer sur la symbolique spirituelle.
Dans la première partie de mon exposé j’ai fait allusion au fait que toute latitude était laissée aux loges pour établir l’ordre du jour des tenues sous réserve bien entendu des buts et principes de notre Ordre, le rituel n’intervenant pas à ce niveau contrairement aux rituels religieux ou le cadre des offices est strictement établi.
Ceci est, à mes yeux, très important.
En effet le principal reproche qui est fait à l’observance d’un rituel lors de nos tenues est que ce dernier aliène nos travaux et que la forme prend le pas sur le fond.
Ce n’est pas le cas dans notre association.
Chaque président de loge organise l’ordre du jour et les sujets abordés en loge, sous réserve bien entendu que les buts fondamentaux de notre ordre soient respectés.
La tenue n’a rien à voir avec le déroulement d’un office religieux et le spirituel du rituel est là pour aider à la concrétisation des buts de notre ordre.
Si, comme je l’ai fait ressortir dans la première partie de mon exposé, le rituel accompagne l’homme dans les différentes étapes de sa vie, ce celui-ci garde quand même un libre arbitre, le rituel étant là pour nous guider et nous montrer le chemin de la sagesse.
Il en est de même lors de nos tenues le rituel est là pour nous rappeler les principes fondamentaux de notre ordre mais à aucun moment il n’est là pour installer une censure à l’expression de nos idées.
Il n’y a pas de dogme au B’NAI B’RITH.
Nous pouvons exprimer librement nos convictions à condition que nous le fassions dans la sérénité sans blesser les convictions de l’autre, le rituel est là pour nous rappeler à cette sérénité.
Tous le long de mon exposé j’ai tenté de montrer que l’observance du rituel est importante lors de nos tenues. Il leur donne un caractère spirituel quasi sacré.
Le rituel instaure également, et ceci est très important, une certaine harmonie entre les frères et sœurs de toutes les loges B’NAI B’RITH : en effet dans toutes les loges B’NAI B’RITH de France pour ne pas dire du monde, le rituel, à quelques détails près est le même.
Dans toutes les loges, les tenues débutent et finissent de la même manière.
Le rituel joue un rôle d’unification des travaux des différentes loges de notre ordre, il constitue la pierre angulaire de notre ordre.
Certes le sujet aurait mérité de plus amples développements mais le but premier d’une planche n’est pas d’énoncer des vérités, des principes ; le but principal d’une planche est de faire réfléchir sur un thème, de poser des questions pour faire avancer la réflexion.
J’ai commencé mon exposé par donner une définition du rituel qui est un peu sèche, didactique et même discutable.
Je ne peux résister au plaisir pour terminer mon exposé de vous donner une définition plus littéraire du rituel, définition que nous devons à la plume d’ANTOINE DE SAINT EXUPERY dans son œuvre : « LE PETIT PRINCE » :
« Le lendemain revint le petit prince.
Il eut mieux valu revenir à la même heure dit le renard…
Si tu viens n’importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m’habiller le cœur… il faut des rites.
Qu’est ce qu’un rite, dit le petit prince ?
C’est ce qui fait qu’un jour est différent des autres jours, une heure des autres heures… »