Les Juifs du Pape
A la Gloire et sous la protection du Très Haut
Les Juifs du Pape
Introduction
De 1273 jusqu’à 1790 ont vécu des communautés juives sous le pouvoir et la protection du Vatican. Ces Juifs ont été appellés les Juifs du pape et leur histoire est particulièrement originale. En effet dans le monde médiéval occidental l’ensemble des Juifs est persécuté pour des raisons idéologiques religieuses. Il est alors surprenant de constater le chef de l’église catholique au non de laquelle se réclame les persécuteurs protège de son coté la communauté Juive. Ce paradoxe en est il un vraiment. Pourquoi les papes ont ils protégés les juifs dans les enclaves du comtat Venaissin.
Pour comprendre cette histoire il faut raconter celle des Juifs en terre provençale
Première partie : Les Juifs de la Gaule Romaine aux états du Pape.
La diaspora c’est à dire la dispersion des Juifs chassés d’Israël commença au moins neuf siècles avant l’ère chrétienne. On retrouve des Juifs dans tout le bassin méditerranéen de Babylone à l’Afrique du Nord. Ce sont vraisemblablement les Grecs qui amenèrent les premiers avec eux des marchands Juifs à la création de Massalia (VI° siècle avant l’ère chrétienne). Les Romains ont aussi amené des Juifs en Gaule avec eux après la conquête par Jules César en 46 avant JC. César codifia les droits et devoirs des hébreux qui jouissaient d’une totale liberté religieuse sous le règne de la pax romana. La province romaine du sud de la Gaule la Narbonnaise attira beaucoup de Juifs. La ville de Lunel aurait été fondée par des Juifs fuyant Jéricho (cité de la lune) en 68 après JC. Après la chute de Massada en 73 après JC de nombreux exilés arrivèrent en Gaule et s’établirent à Arles Narbonne et Vienne. En 212 l’empereur Romain Caracalla donna la citoyenneté romaine à tous les Juifs romains.
En 391 l’empereur Romain Constantin fait de la chrétienté la religion d’état de l’empire romain et commence les restrictions des droits des Juifs à Rome : fonction publique. Ces restrictions stimulèrent l’émigration en gaule. Les Wisigoths eurent des législations très tolérantes et favorables aux Juifs. En 719 Narbonne fut prise par les Musulmans et pendant 40 ans d’occupation se développa une remarquable culture Judéo arabe. Musulmans Chrétiens et Juifs vivaient ensemble en harmonie dans une ère de tolérance. Après la reprise des territoires musulmans les rois Charlemagne et son fils Louis le Pieux eurent une politique de protection et de développement de la vie Juive en Provence. A cette époque les juifs vivaient en autonomie, paisiblement et exempte de toute persécution de la part du clergé. Les Juifs apportaient une contribution notable au progrès et à l’enrichissement des communautés ils étaient acceptés sans difficultés. On estime à 80 à 100 communautés aux 9°-10° siècles. Tous les villages de Provence ont quelques familles juives. Des grandes communautés existent à Narbonne, Lunel, Marseille, Arles, Saint Gilles…Ces Communautés sont constituées de Juifs arabisant et se voient grandir sans arrêt par l’arrivée de Juifs d’Espagne fuyant les persécutions et trouvant en Provence un havre de paix et une richesse de culture et d’étude. Les Juifs provençaux voient à cette époque leur renommée en tant que médecins, kabbalistes, philosophes et talmudistes aller jusqu’en Israël. Jusqu’à ces dernières années 2 familles Avignonnaises pouvaient faire valoir leurs racines généalogiques à la période romaine ; René Cassin a écrit que ces ancêtres arrivèrent dans la province Romaine de la Narbonnaise avant la destruction du temple par TITUS et s’établirent près de la Durance à Cavaillon.
A partir du XIII° siècle vont se succéder des événements aux conséquences importantes pour ces communautés.
- Prise de possession du comtat Venaissin par le saint siège : en 1229 traité de Paris : le Comte de Toulouse cède ses droits sur ce territoire au pape. Le roi de France laisse en place son administration et n’applique pas le traité. Les terres ne sont sous dominations papales qu’en 1274 ou à la suite de négociations le roi de France cède l’administration du Comtat Venaissin aux officiers du Pape.
- Quelques décennies plus tard, l’archevêque de Bordeaux Bertrand de Got est élu Pape en 1305 sous le nom de Clément V décide de s’installer en Avignon (propriété du Comte de Provence, roi de Naples et Vassal du saint siège). Son successeur Clément VI décide d’acheter les droits du comte de Provence sur la ville d’Avignon en 1348 (80000 florins). Commence alors la présence papale en Avignon qui dura presque un siècle.
- Cet événement entraina un énorme accroissement de la population avignonnaise avec un énorme accroissement des activités commerciales et financières.
- Philippe le Bel prit la décision en 1306 de mettre fin à toute résidence des juifs dans ces états : décret d’expulsion des juifs du royaume de France. Ceci provoqua un immense exode. Plus de 100 000 Juifs partirent du royaume très chrétien de France vers l’Allemagne, le dauphine, la Savoie ou l’Italie. Ceux du Midi cherchèrent refuge en Espagne ou en Provence.
- Dans les Terres du Pape le phénomène fut semblable et plus accentué encore à Avignon : la communauté Juive de cette ville atteignit alors une importance qu’elle ne retrouvera jamais jusqu'à l’époque contemporaine. Cette arrivée massive de Juifs du Nord dans les terres des juifs provençaux ne se passa pas sans problèmes : Ces Juifs identifiés souvent comme sarfatim ne parlent pas la langue provençale ne sont pas de mêmes rites ni de même tournure d’esprit : Les Juifs de la Provence médiévale s’adonnaient avec passion aux sciences et à la philosophie Grecque qui leur avait été transmise par les arabes et leurs traducteurs espagnols mais aussi provençaux comme les Kimhi ou les Tibbon, les rabbins du Nord craignaient que ces études profanes ne détournent la jeunesse de la seule connaissance qui vaille : celle du talmud. Ils condamnaient ces « divertissements » dangereux et certains étaient allés jusqu’à jeter l’interdit sur l’œuvre de Maimonide devenue la référence essentielle des Juifs Provençaux.
- Le Statut des Juifs dans les états du Pape : le passage du comtat sous domination papale n’a pas changé radicalement le statut des Juifs de cette époque : Les Juifs sont des citoyens véritables, ceux d’Avignon ont été appelles à prêter serment de fidélité au pape en 1358. Cette condition de citoyen leur permet de jouir normalement de la protection des lois ordinaires et nul ne peut porter atteinte à leurs biens ou à leur personne. Ce sont les mêmes cours de Justice qui s’occupent de leurs affaires que celles des chrétiens. Pas de discriminations à leur égard. Les contrats, ventes, prêts, testaments, contrats de mariage sont rédigés par les notaires fondés sur le droit romain. Cependant, les autorités obligent les Juifs à porter une marque distinctive depuis le concile de Latran en 1215. Le statut de la ville d’Avignon de 1243 précise que pour les hommes ce signe doit être en forme de roue placée sur le vêtement coté gauche de la poitrine. Les femmes portent l’oralia, une coiffe particulière. La plupart des amendes contre des Juifs concerne le non respect de ses obligations.
- Les Juifs ne sont pas autorisés à avoir des relations trop familières avec les chrétiens : il est interdit d’habiter les mêmes maisons que les Juifs, de boire, manger, jouer avec eux, ou de se mettre à leur service comme valet ou servante.
- Interdiction de faire appel à un médecin Juif : relation de dépendance et intimité entre un médecin et son patient, interdiction réitérée en 1337 par le concile provincial d’Avignon et largement non respecté par les papes et les cardinaux eux mêmes.
- Relations charnelles entre Juifs et chrétiens formellement interdit sous peine d’émasculation du juif : témoignage d’exhibition d’organes sexuels exposé devant le palais des papes à la suite de telles sentences.
- Pour limiter les relations entre Juifs et chrétien il est conçu des quartiers Juifs dans toutes les villes et villages de Provence : Une rue des Juifs avec rassemblement des habitants et présence de l’école (synagogue).
- La juiverie d’abord située au bord des remparts d’Avignon est transférer en 1226 dans un quartier plus central. L’actuelle synagogue d’Avignon est encore sur ce même site. A Carpentras existe aujourd’hui une rue de la vielle juiverie qui correspond à l’emplacement de la première rue des Juifs ou se situait certainement la première synagogue. Les Juifs étaient alors entièrement sous la domination de l’Evêque de Carpentras qui les expulsa (les Juifs avaient soutenu ceux qui contestaient son autorité) puis ils purent négocier les conditions de leur retour dans la ville avec le successeur de l’Evêque. La Charte qu’ils signèrent alors en 1276 resta en vigueur jusqu'à la révolution. L’accord signé par 65 chefs de famille stipule que les Juifs peuvent édifier leur domicile dans une autre partie de la cité que celle délimitée par une chaine pourront le faire librement.Cette rue des Juifs n’est donc pas fermée au XIII et XIV ° siècle dans les états du pape que par une chaine symbolique. On y entre et sort librement à toute heure du jour et de la nuit sauf pendant la semaine sainte ou il est interdit au Juifs de sortir de chez eux pour leur propre sécurité : il est en effet interdit aux bourreaux du christ de se promener librement dans la ville insultant la douleur des chrétiens par leur simple présence.
- En dehors de la marque sur le manteau pas de signe distinctif pour les Juifs : ils parlent la même langue que les chrétiens : le provençal. L’hébreu est pour ces Juifs l’équivalent du latin pour les chrétiens : la langue de la religion. Apprise à l’école, usage liturgique et pour l’écrit.
- Pas de fonction publique (situation de supériorité ou d’autorité sur les chrétiens) pour les Juifs mais tous les métiers sont permis : agriculteurs (possession de terres permise, surtout de vignes passeur sur le Rhône, collecteur de taxes, armuriers, tailleur de pierre, parcheminiers, relieurs, teinturiers, boulangers, tisserands…..D’ou les plaintes des chrétiens qui déclarent que les Juifs occupent tous les métiers……
- Les médecins sont une élite de culture et de fortune très appréciés pour leur dévouement et leur compétence.
- La majorité des Juifs occupent cependant des fonctions commerciales : fripiers marchands courtiers,
- Les Juifs sont les seuls autorisé à exiger un intérêt aux actes de prêt d’argent : activité totalement interdites aux chrétiens de l’époque. C’est cependant rarement une activité exclusive. Les sommes sont petites et dès que le prêt doit être important, ce sont les grands marchants chrétiens, en particuliers italiens (Florentins, Siennois ou Lucquois) : les Juifs de ce temps ne sont jamais des banquiers mais seulement des usuriers ce qui contribue à leur détestable réputation.
Deuxième partie : le temps des grands changements
Expulsion des Juifs de Provence
- Début des expulsions : Royaume de France en 1306 décret de Philippe le Bel
- 1394 : Charles VI décrète la mise en application réelle et définitive du décret avec confiscation des biens. Législation en vigueur jusqu’à la révolution.
- Diminution des territoires permis aux juifs à mesure que le royaume de France grandis : en 1481 le comté de Provence tombe sous le règne du roi de France. Les privilèges des Juifs sont conservés mais la pression populaire chrétienne supporte de moins en moins bien leur présence et des émeutes éclatent partout.
- Catastrophe démographique de la peste du 14° siècle : les Juifs résistent mieux grâce à leurs règles de vie hygiénique : les chrétiens ne le supportent pas, ils cherchent un bouc émissaire.
- De nombreuses révoltes sanglantes contre les Juifs sont perpétrées dans les villes ou les Juifs sont en nombre.
- Le Roi Charles VIII prend la décision irrévocable en 1498 de mettre les Juifs devant ce choix : Partir ou se convertir.
- En Mai 1500 un grand cycle de l’histoire du Judaïsme en France s’achève
- Seules les communautés des Juifs du pape demeureront rescapées de ce grand naufrage.
A Carpentras en 1459 sous la direction d’un Notaire Robert Martini et de ses trois fils une bande d’émeutiers envahit le quartier Juif et massacre 60 personnes femmes enfants et vieillards. A Mazan le seigneur du lieu Honoré d’Astoaud accueille tous les Juifs du Village dans son château et les sauve d’une mort certaine en les protégeant des émeutiers.
Les auteurs des massacres ne seront jamais jugés, le Cardinal Pierre de Foix, légat du pape leur accorde le pardon par lettre d’abolition datée du 1er mars 1460.
Ce qui contribue à faire monter la tension c’est le nombre de Juif ne cesse d’augmenter : les réfugiés du royaume de France affluent dans les villes du pape.
Conséquence : la fermeture des carrières
Simple application de la règle en vigueur sur la séparation des populations Juive et chrétienne mais pas vraiment appliquée : les quartiers Juifs sont fermés. A Carpentras après 6 ans de tractations et de négociation auprès du pape les autorités de la ville obtiennent le déménagement de tous les Juifs de la ville dans la seule sur de la muse désormais rue des Juifs : 21 Juin 1461.
Transfert de tous les Juifs des territoires du pape dans 4 carrières regroupées : Avignon, Carpentras, Cavaillon et l’Isle sur la Sorgues : c’est la GRANDE EXPULSION de 1569 .Tous les villages ou les Juifs résident sont vidées de leurs « rue des Juifs » : c’est le pendant du Ghetto de Venise XVI° siècle.
Traduction : fin du XV° siècle : période de la réforme catholique (ou contre réforme) c’est à dire durcissement des principes pour faire poids dans le conflit de la réforme chrétienne (protestantisme). C’est la période des débuts des guerres de religion (milieu du XVI° siècle).
La vie dans les carrières
Le port du chapeau Jaune à partir du XVI° siècle remplace la roue et est obligatoire. Il correspond à la volonté d’insister sur la séparation physique des chrétiens et des Juifs. Les Juifs sont autorisés à ne pas le porter dans leur déplacement en dehors des villes. Ils ont donc en permanence 2 chapeaux sur eux : un Jaune et un Noir.
1555 : Bulle du pape restriction des activités professionnelles des Juifs : interdiction de posséder des biens fonciers, réductions aux seuls métiers de la friperie de la brocante et du prêt d’argent.
Objectif : Restaurer le statut d’humiliation et de soumission naturelle des Juifs par les bulles papales successives.
Les Juifs sont exclus du commerces des denrées alimentaires de base, de pratiquer le métier de percepteurs des droits seigneuriaux que beaucoup pratiquaient ou gestionnaires de domaines de grands propriétaires. Toutes les professions manuelles et artisanales que de très nombreux Juifs pratiquaient au moyen âge leur sont interdits (pression des guildes professionnelles chrétiennes) au XVI°. Les tailleurs et couturières sont tolérés.
Les médecins Juifs si appréciés autrefois ne sont plus présents (quelques noms 2° moitié du XVI° et disparition de toute trace de médecin Juifs au XVII° dans les carrières) : au XVII° siècle les sages femmes chrétiennes accouchent dans la carrière (interdiction pour un chrétien de se mettre au service des mécréants : contradiction) car le savoir obstétrical est perdu.
Les carrières sont fermées tous les soirs au coucher du soleil. Les juifs vivent entassés à plusieurs familles par maison. Malgré l’hémorragie démographique de 1569 (départ massif des Juifs vers des pays plus accueillant) la population ne cesse d’augmentée au cours du XVII° siècle (accroissement naturel et regroupement des villages voisins, expulsions) sans que la taille de la juiverie n’ai été modifiée : construction en hauteur, création à Carpentras des premiers grattes ciel : immeuble de 8 ou 9 étages : exceptionnel pour l’époque. L’unique rue est étroite et sert de dépotoir et d’égout à ciel ouvert : il faut que les Juifs inspirent le dégout, Ils doivent vivre dans la fange et la puanteur.
Les obligations faites aux Juifs par les chrétiens : il est interdit aux Juifs d’être irrespectueux vis à vis des chrétiens. La pénétration dans tout édifice chrétien est interdite aux Juifs. Les Juifs se voient interdis de posséder des livres jugés blasphématoires pour les chrétiens : le TALMUD est interdit et tous les livres qui si rapportent. De nombreuses perquisitions sont effectuées dans la carrière pour rechercher les livres interdits y compris en 1754. Les Juifs du pape ignorent le Talmud et restent volontairement ignorant en matière religieuse. La présence d’un Juif dans la rue peut être vécue comme une offense grave : semaine sainte, cortège funèbre, procession. Les Juifs sont alors obligés de s’agenouiller et de payer une lourde amende/
Obligation de prédication : Les Juifs du pape devaient être en permanence dans le sentiment de honte et de péché. Depuis 1278 le pape Nicolas III avait décidé d’instituer des sermons destinés aux Juifs. A Avignon quelques périodes de réalisation de réunions de Juifs hebdomadaire. Par contre à Carpentras, l’évêque mis en place en 1692 l’obligation de réunion et d’écoute des prêches de prêtres dans des locaux prévus à cet effet le samedi. Cette règle resta en vigueur jusqu’à la révolution. Elle était très mal vécue et entièrement à la charge financière des Juifs.
L’évolution du XVIII° siècle : A la fin du XVII° siècle la situation des Juifs est calamiteuse : ils vivent totalement séparés des chrétiens dans les carrières « ghetto » ils portent le chapeau jaune et ils sont pauvres. Les synagogues menacent de s’effondrer dans les carrières nauséabondes. Ils restent préteur d’argent mais sur des sommes inférieures à 50 livres. Leurs clients sont des ruraux de peu de biens.
En 1675 la Dot moyenne dans la carrière de Carpentras est de 914 contre 413 livres à Avignon. Carpentras est la carrière la plus riche : Neama Millaud se marie en 1694 avec un apport de 2400 livres à Carpentras : un record. Les familles juives se situent en fait au niveau des petits marchands boutiquiers et artisans chrétiens.
A partir de 1700 et durant tout le XVIII° siècle la situation économique des Juifs des carrières va considérablement changer : de nombreux Juifs vont pratiquer des activités ou des professions qui leur restent interdite par les bulles papales. Malgré les interdictions officielles l’usage va permettre au Juifs d’élargir leurs possibilités professionnelles et de faire fortune :
- Carpentras et Ille : nombreux maquignons
- Avignon : soieries, pierres précieuses et bijoux
- Prêt d’argent sur des sommes de plus en plus importante en l’absence d’un système bancaire structuré.
- Vente de draps et tissus neufs
Les ennemis des Juifs se déchainèrent : Monseigneur d’Inguinbert évêque de Carpentras en 1745 écrit : « les Juifs que la volonté divine et les ordres des supérieurs auraient du maintenir toujours dans la plus grande abjection, sont sortis de leur condition d’humiliée. Ils ont envahi tous les secteurs de la vis économique ; ils dominent totalement le marché des tissus et des toiles ; le commerce des grains, de la viande, du foin, des cocons, du cuir. Celui des mulets, chevaux autres animaux nécessaires à l’agriculture est entièrement dans leurs mains.
De plus Les Juifs élargissent considérablement le territoire de leur commerce et s’enfonce de plus en plus dans le royaume de France qui leur est toujours officiellement interdit en résidence mais pas en passage pour raisons professionnelles.
La Dot moyennes des jeunes filles juives dans la carrière atteint dans les dix années qui précèdent la révolution les sommes de 9223 livres. La plus modeste des servantes ashkénaze de la carrière apporte pas moins de 1000 livres à son époux ce qui très au dessus des jeunes mariés chrétiennes. Les dots les plus élevées de cette époque vont jusqu’à 63 000 livres. On est au niveau de la richesse des magistrats du parlement d’Aix, bien au dessus des négociants ordinaires des petites villes du comtat ou même d’Avignon.
Il y donc en un siècle un enrichissement considérable dont l’ampleur et le rythme ont été fulgurante.
Les témoignages des plaintes des chrétiens à Carpentras sont explicites : ces juifs qui il y a quelques années en étaient réduits péniblement à gagner leur pain par leur travaux d’aiguille et leurs usures sordide jouissent d’une opulence étonnante : leurs femmes font étalage de bijoux que la plupart des chrétiens seraient bien incapable d’offrir à leur épouse. Eux même se parfument s’habillent achètent des meubles précieux pratiquent l’équitation et font donner des leçons de musique et de danse à leurs enfants
C’est dans cette période que les trois principales synagogues refaites à neuf :
1740 celle de Carpentras dans le style Louis XV, Avignon 1760 et Cavaillon 1771.
L’argent des Juifs est massivement investi dans la synagogue car leurs maisons sont toujours aussi petites dans les immeubles vertigineux de la carrière.
Cette richesse nouvelle donne au Juif au statut social nouveau : les gens avec qui ils sont en affaire sont des nobles des ecclésiastiques des bourgeois. Les montants des dettes empruntés aux Juifs en cette fin de XVIII° siècle sont considérable et concerne des constructions de génie civil : Jassuda David Crémieu prête au duc de Crillon plus de 100 000 livres pour construire le canal d’irrigation d’Avignon encore en service aujourd’hui.
A l’époque ou le mérite, ce qui se traduit le plus souvent par la richesse, prend de plus en plus le pas sur la naissance, la considération s’attache plus à la quantité d’argent disponible qu’a ses origines familiales les Juifs ne sont plus regardées de la même façon que leur ancêtre. Les ennemis des Juifs se déchainent à cette époque avec Monseigneur D’Imguinbert. Les règlements du XII et XIII° siècles sont toujours en vigueur et les Juifs ont toujours leur chapeau jaune et se rendent toujours le samedi écouté le prédicateur pour leur humiliation. En1781 le 18 Juillet Rome publia un nouveau texte sollicité par l’Evêque de Carpentras avec la fermeture des carrières effectuée pare un officier chrétien de l’extérieur de la porte : les Juifs sont en prison, impossible de sortir de la carrière après le coucher du soleil. Ils vécurent très mal cette mesure.
La situation de vie dans les carrières est devenue insoutenable les dernières années : les Juifs avaient les moyens de s’acheter des châteaux et ils vivaient entassés dans un cloaque nauséabond, à plusieurs par famille dans des maisons étroites et hautes. De nombreux Juifs des carrières s’établissent alors sur le territoire du roi de France en toute illégalité mais la situation fut tolérée. Les carrières commencèrent alors à se vider petit à petit. C’est le Languedoc qui attire les Juifs de Carpentras en particulier Nîmes et Montpellier.
La fin des Carrières :
La révolution française de 1789 s’est traduit malgré la résistance du peuple et des représentants de Carpentras par un rattachement de tout le Comtat a la jeune république française. Les Juifs bénéficient du statut de citoyen et sont donc libres et égaux en droit. Il faudra 5 années pour que les chapeaux jaunes disparaissent dans les faits. On n’efface pas 5 siècles de coutumes et de règles strictes d’un trait de plume. Il s’en suivit une émigration massive. Les Juifs ne peuvent pas restés entassés et la population de Carpentras leur est franchement hostile. En 1808 Napoléon demande que tous les Juifs de l’Empire s’inscrivent auprès de la municipalité. Il reste 119 Juifs à Avignon et 343 à Carpentras. Plus aucun à Cavaillon et à Ille sur sorgues. En revanche on compte plus de 500 Juifs à Nîmes tous d’origine comtadine.
CONCLUSION :
Les quatre communautés d’Avignon et du comtat : Carpentras, Ilsle su Venisse (devenue Isle sur Sorgues et Cavaillon jouissent d’une célébrité que ni leur importance numérique ni leur rayonnement culturel ne semble justifier. A aucun moment de leur 517 année d’existence leur population n’a dépassé les 3000 individus ce qui est ridicule en comparaison des populations juive du monde germanique de Pologne de l’empire Otoman ou de l’Italie. Aucun savant artiste ou philosophe n’a pu s’y épanouir.
Carpentras et Cavaillon conserve deux synagogues de cette époque témoin de ce Judaïsme contadin. Par miracle elles nous sont parvenue intactes. L’ancienneté semble alors tout l’intérêt du lieu.
Ce qui me semble le plus marquant de cette histoire est la particularité de la protection papale. Dans un contexte extrêmement défavorable la tolérance des papes peut alors apparaître humaine et éclairée. En réalité si la protection de la tutelle pontificale n’a jamais manquée aux Juifs du pape, les pontifes étaient motivés par des considérations purement théologiques. Les Juifs devaient persister en temps que tels et dans un état de misère absolue. Ceci pour rappeler la lumière de l’église catholique romaine. Les Juifs sont alors les témoins de l’état initial, il faut les préserver et les protéger en l’état. Ce point de vue peut parfaitement être jugé de deux manières. Soit on salue la mansuétude face à la barbarie ambiante envers les Juifs soit à contrario on se révolte contre la justification théologique de l’antisémitisme et on donne une explication rationnelle à des mentalités et un état d’esprit qui ira jusqu’aux évènements du XX° siècle.
A méditer.