Marranes et Marranisme
A la Gloire et sous la protection du Très Haut
Marranes et Marranisme
1ère Partie :
Présentation historique des Séfarades dans la péninsule ibérique
(Source : Cecil Roth et Yvonne Von Zeidler Nori)
Les séfarades (en hébreu séfarade signifie « Espagne ») de la péninsule ibérique ont vécu en Espagne et au Portugal du 1er siècle jusqu’en 1492. Selon, l’historien CECIL ROTH les juifs arrivent en Espagne en -586 (destruction du temple par Nabuchodonosor), et ont été chassés de leurs pays en 1492 par les rois catholiques suite à un décret de l’inquisition.
Après presque 1500 années de présence dans la région, les séfarades exercent leur religion d’une façon qui ne se différencie pas beaucoup de leurs coreligionnaires d’autre pays.
Ils développent toutefois leur propre culture.
Aujourd’hui, les descendants des juifs espagnols ne sont pas les seuls à être désignés par le vocable « séfarades » ce termes est employé pour tous les juifs qui ne sont pas de tradition ashkénaze (Europe de l’est et Europe central)
Il s’agit essentiellement des juifs installées en orient et en méditerranée.
Les juifs installés dans la péninsule ibérique ont souvent été opprimés et fait l’objet de discriminations. Néanmoins, les Séfarades, souvent polyglottes et très cultivés, sont prospères et exercent pendant un certain temps une influence tant dans la partie musulmane que dans la partie chrétienne de l’Espagne. Ils jouent un rôle de trait d’union entre les civilisations occidentales et orientale.
Le modèle social de « Convivencia », qui désigne la coexistence pacifique des Chrétiens, des Musulmans et des Juifs, qui règne pendant quelques temps dans la péninsule ibérique, influence durablement la mentalité tolérante et ouverte des Séfarades.
Les débuts sous l’empire romain
La guerre contre Rome et la destruction du Temple de Jérusalem incitent un grand nombre de Juifs vivant dans ces contrées à chercher refuge dans les pays méditerranéens. On sait avec certitude que des juifs s’installent en Espagne dès le premier siècle, probablement comme travailleurs ou esclaves. Au fil du temps ils deviennent souvent aisés, et au quatrième siècle de notre ère, ils ont déjà suffisamment d’influence pour être interdit de contact avec les Chrétiens au Concile d’Illiberis (ou Helna près de Séville).
Lorsque ces lois discriminatoires sont adoptées, l’Empire romain est déjà en train de s’effondrer.
L’invasion de la péninsule ibérique par les Visigoths est le prélude à des temps très difficiles pour la communauté juive.
Le règne des Visigoths du 5ème siècle au début du 8ème siècle
Pendant les premières décennies de domination des Visigoths, les juifs sont épargnés par les maîtres Visigoths de croyances aryennes, jusqu'à la conversion du roi RECCARED au catholicisme en 586.
En 589, RECCARED promulgue des lois contre les juifs, qui marquent le début d’une persécution toujours plus dure menée de concert avec l’église.
La première vague d’émigration juive vers l’AFRIQUE du nord a lieu dés 613. Lorsque le roi SISEBUT exige des juifs qu’ils se convertissent au catholicisme ou qu’ils, quittent le pays (c’est a cette époque qu’apparaissent les premières communautés de juifs convertis officiellement au catholicisme continuant à pratiquer leur religion en secret risquant de ce fait leur vie .)
En 633, le roi SISENANT interdit aux juifs convertis d’occuper des fonctions officielles dans lesquelles ils pourraient donner des ordres à des chrétiens ; l’existence des juifs devient de plus en plus insupportable.
La domination des Arabes
La conquête de la péninsule ibérique par les arabes en 711 met fin a la domination des Visigoths, et dans une large mesure à la discrimination et à la persécution des juifs, bien que l’on observe quelques tentatives de conversions forcées à l’islam. (Anoussim : contraint en hébreux)
Dans les centres intellectuels de Cordoue, Grenade, Saragosse et Tolède en particulier , les juifs jouent à partir du 10ème siècle un rôle important dans la vie intellectuelle.
Les génies universels séfarades, qui sont souvent en même temps médecins érudits, diplomates ou juristes, contribuent à diffuser en Occident les dernières découvertes scientifiques et les ouvrages des philosophes arabes.
Des savants juifs occupent des postes importants dans les cours des rois musulmans où ils sont les protecteurs des arts, des sciences et des religions.
Les écoles talmudiques et centres d’érudition de l’époque font à juste titre la fierté des Juifs séfarades. Tolède en particulier, avec son fameux collège de traducteurs, devient le centre de la culture européenne.
Les rois chrétiens et la Reconquête
Dans les régions chrétiennes du nord, les juifs ne voient leurs conditions de vie s’améliorer que dans la deuxième moitié du 11ème siècle, notamment sous le règne d’Alphonse VI.
Même lorsque la « reconquista », reconquête des régions à domination musulmane par les rois chrétiens, regagne de plus en plus de terres du Nord, les colonies juives continuent à se développer, car les juifs jouent un rôle important dans la recolonisation de ces régions.
Les juifs érudits, qui maîtrisent souvent l’Arabe, diffusent également dans le Nord toutes les sciences dans laquelle les Arabes excellaient autrefois, de la médecine aux mathématiques en passant par la géographie, la cartographie, l’astronomie et la navigation.
La crise et l’expulsion des juifs par les rois catholiques
L’année 1 391 marque le début d’une ère de pogromes et de conversions forcées.
Les rois chrétiens ont déjà décidé d’exclure les Juifs, et exercent des pressions de plus en plus fortes sur toutes les communautés juives.
A cette époque, tous les rois espagnols ont un « Juif de cour », chargé de lever des fonds et de recouvrir les impôts.
Ceci explique en grande partie les sentiments anti juifs observés dans la péninsule ibérique.
Les Juifs sont souvent rendus responsable des charges financières, des méthodes dures de recouvrement des impôts et des exigences excessives de la Cour.
Le 4 juin 1391, Séville est le théâtre d’un pogrome, les biens des juifs sont pillées, et brulés, et 4000 juifs sont tués.
Pour sauver leur vie, les survivants doivent se convertir ou quitter le pays, des années de terreur s’abattent alors sur les juifs dans toute l’Espagne,
La majorité se réfugient dans d'autre pays, les autres sont convertis de force a la foi Chrétienne. Le décret promulgué en 1499 qui condamne a mort tous les juifs se trouvant encore dans le pays marque le triste paroxysme des persécutions.
L’émigration
Moins d’un tiers des émigrants reste en Europe et la plupart d’entre eux s’installent aux Pays-Bas, en France et en Italie . La plupart des séfarades se réfugient dans les pays méditerranéens, dans les Balkans, en Afrique du nord, et surtout dans l’empire Ottoman.
Les juifs espagnols s’installent dans d’autre pays tout, en restant profondément attachés a leur culture. Ils ne renoncèrent jamais à retourner un jour, eux ou leurs enfants dans leur pays d’origine «l’Espagne ».
2ème Partie :
L’INQUISITION (la chasse aux juifs et aux marranes en Espagne)
L’expulsion des juifs en 1492 est non pas un commencement, mais une date qui amplifie un processus commencé. Déjà il y avait des conversions au catholicisme, soit par peur notamment après les pogroms de 1391, soit par conviction comme celle de Salomon Halevi devenant plus tard Pablo de Santa Maria évêque de Burgos. Les autres, émigrant vers d’autres contrées : le Portugal, Maghreb, pays Ottoman, etc.
L’inquisition, avait été instituée en 1480 et s’employait depuis 12 ans à démasquer les conversos judaïsant en secret. Le caractère racial de l’inquisition de1492 fut d’abolir un moment unique de coexistence et de dialogue des 3 religions du livre.
De détruire en Espagne, là ou elle aurait pu et dû naître, la possibilité d’une Europe ouverte et tolérante, bien au contraire, le triomphe absolu de la catholicité castillane, va propager l’intolérance en Espagne et dans l’Amérique, où l’Espagne débarque cette même année 1492.
Après 1492 puis l’expulsion des juifs du Portugal en 1496, s’effectuera la diaspora dans la diaspora, le second grand exil, l’exil de la patrie séfarade.
Alors, que pendant très longtemps l’attention fut concentrée sur ceux qui choisirent en 1492 l’exil plutôt que la conversion, on découvre aujourd’hui de plus en plus l’univers mystérieux des conversos et des marranes.
D’une part, la menace d’une dénonciation à l’inquisition entretient un sentiment d’insécurité chez beaucoup de convertis ayant opté pourtant irrévocablement pour le catholicisme, ce qui n’entraîne pas ipso facto l’intégration.
La théorie de la « limpieza de sangre » refoulant les conversos d’un certain nombre de carrières et de responsabilité public.
Beaucoup de conversos, les uns authentiquement christianisés, les autres, judaïsant en secret
Fuient en Amérique latine pour échapper à la barbarie de l’inquisition.
Pendant plus de 2 siècles, les conversos ont entretenu une double identité, une identité de surface pratiquant ostensiblement le catholicisme et une identité secrète, conservant la foi Judaïque au péril de leur vie, de façon paradoxal ils demeuraient fidèles a la loi de Moise sans pouvoir obéir à cette loi, (circoncision, alimentation, etc.)
Ainsi, le judaïsme des marranes devint une religion de la foi du cœur, comme le fut le christianisme primitif. Alors que le catholicisme leur faisait subir une loi rigide et impitoyable.
Aucun chercheur, en avançant les relèves quantitatives des emprisonnements, des condamnations, des autodafés, ne peut rendre les affres des attentes dans les cachots, les cris de douleur, dans les salles de torture et sur les bûchers de ceux qui tentèrent de demeurer juifs sous le masque du catholicisme
Ces malheureux furent appelés MARRANES terme impropre et source de confusion que l’inertie de l’habitude fait encore rencontrer.
En effet cette injure, confond indifféremment dans l’Espagne du siècle d’or, ivre de pureté raciale, les véritables juifs du secret (les crypto juifs) et les juifs sincèrement convertis au catholicismes , dans l’esprit du temps et pendant 4 siècles, le sang juif sera tenu pour une souillure définitive transmissible de génération en génération , et qu’aucune eau baptismale ne pourra jamais purifier.
Nous ignorons combien de juifs vivaient en Espagne a cette époque, les massacres et les violences de 1391 avaient entraîné une terrible diminution de leur nombre.
Les grandes communautés de Tolède, Burgos, Séville, par exemple, étaient réduites à très peu de choses, et pour celle de Valence et Barcelone on peut même parler de disparition totale.
Aucun chercheur, ne prend au sérieux les chiffres relevant de la fantaisie qui furent avancés autrefois : entre autres raisons, s’ils étaient admis ils seraient incompatibles avec la population totale de la péninsule ibérique de l’époque.
Faute, de recensement et d’estimations, nous devons recourir à d’autres documents pour approcher la réalité de l’inquisition.
Yitzhak Baer, qui reste le mieux informé sur l’histoire des juifs d’Espagne, établi comme limite minimal 250 milles individus.
Zurita, lui, navigue entre deux extrêmes parfois, il avance le chiffres de 170 milles juifs, parfois celui de 400 milles.( source : les juifs d’Espagne, histoire d’une diaspora par Henry Méchoulan)
A cette époque les juifs d’Espagne représentent au minimum 20% de la population juive mondiale (source : Renée Neher Bernhein : La vie juive en Terre Sainte de 1517 a 1918 ).
Le décret du 31 mars 1492, dont le texte avait été rédigé le 20 du même mois par un converti devenu l’inquisiteur général fray Tomas De Torquemada, déclarait que le judaïsme était « crime grave et détestable » qui nuisait a la société chrétienne, déclare nécessaire de supprimer, tout forme de judaïsme. Une fois le délai de 3 mois passé, la simple profession ou la pratique de la religion juive seraient punies par la mort.
Ce délais permettait, au juifs de faire un choix : soit accepter le baptême, soit prendre le chemin de l’exil ou mourir.
Nous pouvons conclure que le décret n’avait pas pour finalité l’expulsion des juifs mais bien l’éradication du judaïsme en Espagne, ce qui entraîne la disparition d’une culture vielle de presque 1500 ans dans la péninsule ibérique.
L’Espagne, à l’apogée de sa gloire, achève la reconquista, chasse les arabes de la péninsule, lance ses vaisseaux à la conquête de l’Amérique et expulse les juifs.
Certain d’entre eux, convertis de force par l’inquisition, vont continuer en secret leur religion.
Les espagnols les appelleront de façon méprisante MARRANOS et ce nom leur restera .
Avec le temps, il prendra même une résonance romantique à l’image de leur histoire faite de clandestinité, dans l’Europe de la renaissance, mais aussi dans le nouveau monde.
Le mot marrane (porc en espagnol) est un terme volontairement offensant, désignant en Espagne et au Portugal les juifs convertis et leurs descendants. A partir du 15ème siècle, Le marranisme, n’est pas la simple conversion forcée au christianisme suivie de l’observance dans la clandestinité des rites du judaïsme,
Sa caractéristique essentielle, c’est que ces rites ont été transmis de génération en génération ; c’est la observe l’historien Cecil Roth un phénomène unique.
Beaucoup d’entre eux conservèrent leurs rites dans la clandestinité jusqu'à nos jours.
Privés de rabbinat, leur calendrier s’est christianise, sans contact depuis des siècles avec le reste de la communauté, certain jusqu'à il y a peu, ignoraient leur origine juive, et leurs pratiques religieuses étaient mêlées d’éléments juifs et chrétiens.
Ce fut le cas des communautés de Belmonte, un village situe au nord de Castelo Branco (Portugal) et d’autres villages dans la péninsule ibérique, découverts en 1917, ou bien encore ces marranes du nord-est du Brésil qui sortirent de l’ombre dans le courant des années 1980.
Pour terminer ce travail je ferai la remarque suivante : dans les livres d’histoires, la date de 1492 représente la découverte de l’Amérique, mais, nous ne devons pas oublier quelle représente aussi extermination et l’expulsion des juifs ibériques
C’est l’oubli des vivants qui fait mourir les morts.